Pourquoi j’ai repris les mathématiques à 46 ans.
Pourquoi réapprendre
Il y a des envies qu’on croit éteintes et qui, un jour, se rallument comme une braise sous la cendre. Reprendre les mathématiques à 46 ans, ce n’est pas un projet tout à fait rationnel. C’est une pulsion calme, un appel venu de loin, presque de l’enfance.
On ne décide pas vraiment de revenir vers les mathématiques : on y revient comme on rentre chez soi après un long voyage, surtout quand on y a pris goût.
Mon rêve de gamin : comprendre la matière et le monde
Quand j’étais adolescent, je rêvais de devenir chercheur en chimie. J’aimais les travaux de laboratoire. J’aimais observer les réactions, noter des formules et des observations dans des carnets, imaginer que, quelque part, derrière les chiffres et les molécules, se cachait une logique invisible. Je voyais la science comme un langage secret: celui de la nature. Comprendre ce langage, c’était un peu percer le mystère du monde. J’étais fasciné par la beauté et les couleurs des formules, par cette façon qu’ont les sciences d’expliquer et de tout relier : la forme d’un flocon de neige, la trajectoire d’une planète, la stabilité d’une molécule.
Je rêvais d’un métier où la curiosité serait une force, où l’on pourrait passer des journées entières à se poser des questions, à douter, à chercher — et parfois à trouver. Mais la vie adulte est un maître exigeant. Les études pertubées par les difficultés de la vie quotidienne, les choix professionnels et les obligations qui en suivent — tout cela vous pousse vers d’autres priorités. Mon rêve de chercheur s’est peu à peu effacé, sans disparaître vraiment…
Mon rêve de gamin s’est transformé en une sorte de mélodie de fond, toujours là, mais trop faible pour couvrir le bruit du quotidien, de la vie d’adulte.
Le tournant : le retour du goût d’apprendre
Et puis un jour, sans prévenir, cette petite musique s’est remise à jouer. Je ne saurais pas dire exactement pourquoi. Peut-être un mélange de temps retrouvé, de curiosité restée intacte, de besoin de sens dans un monde où tout va si vite. À 46 ans, j’ai ressenti le besoin de ralentir. Ce besoin était motivé par l’amour d’apprendre. Pas pour uniquement un diplôme, pas pour un poste, mais pour moi. Je voulais me redonner une chance, cette chance de trouver une vie singulière et unique, celle qui me permettrait d’être moi. J’ai commencé alors à suivre des cours en ligne, à rouvrir mes vieux manuels et à résoudre des problèmes de mathématiques.
Au début, c’était difficile. Le langage mathématique a sa rigueur, son exigence. Lire un théorème n’est pas suffisant pour en comprendre les notions sous-jacentes. Il est nécessaire d’y réfléchir, et parfois longtemps, à de multiples reprises. Mais très vite, j’ai retrouvé une forme de plaisir presque physique : celui de comprendre, de faire un lien, de sentir qu’une idée abstraite devient claire. De réussir là où j’avais échouer. Les mathématiques, je les redécouvrais autrement. Non pas comme une matière froide, mais comme un art de voir l’invisible et de penser. Chaque théorème, chaque démonstration, c’est un petit morceau de vérité patiemment ciselé par des générations d’esprits curieux. Et s’y plonger, c’est renouer avec cette humilité devant la complexité du monde. Apprendre à mon âge, c’est aussi apprendre à ralentir. Je ne cherche plus à aller vite. Je savoure. Je relis une page, je note une idée, je la médite, je la pratique.
Les mathématiques sont devenues pour moi une forme de méditation rationnelle — une manière d’accorder la pensée au réel.
Pourquoi les mathématiques aujourd’hui
On pourrait se demander : pourquoi les mathématiques, et pas la philosophie, ou la littérature, ou encore un retour à la chimie ? Peut-être parce que les mathématiques unissent tout cela. Elles ont cette puissance de relier la rigueur du raisonnement à la beauté de la structure. Dans un monde saturé d’opinions, de croyances et de certitudes, les mathématiques me ramènent à quelque chose de fondamental : la recherche honnête de la vérité. Elles ne mentent pas. Elles obligent à la clarté. Elles montrent que tout peut se construire, pas à pas, à partir d’axiomes simples — à condition d’être patient et rigoureux. Et puis, à notre époque numérique, les mathématiques reprennent une place centrale. Elles sont partout : dans les algorithmes, les modèles économiques, l’intelligence artificielle, la médecine. Elles deviennent ainsi presque expérimentales.
Ainsi, les comprendre, même modestement, c’est aussi me comprendre et comprendre le monde d’aujourd’hui — afin de garder une forme de liberté intellectuelle face à lui.
Ce que j’espère transmettre avec ce site
Ce site, je l’ai imaginé comme un carnet de bord. Un lieu où je peux partager mes découvertes, mes erreurs, mes enthousiasmes. Je n’y prétends pas enseigner, mais raconter mon aventure : celle d’un adulte qui a décidé de redevenir élève. J’aimerais que ceux qui me lisent sentent que ce retour vers les mathématiques n’est pas réservé à une élite. Qu’il est possible — et même beau — d’apprendre à tout âge, de reprendre goût à la lenteur de la compréhension, de se reconnecter à cette joie pure qu’on avait enfant, quand on découvrait quelque chose de nouveau. Si ce site peut donner envie à ne serait-ce qu’une personne de rouvrir un livre, de suivre un cours, de faire un calcul juste pour le plaisir, alors il aura rempli sa mission. Les mathématiques ne sont pas seulement une discipline : ce sont des chemins. Et à 46 ans, j’ai simplement décidé de reprendre le mien, à mon rythme, avec curiosité et gratitude.
“Il n’est jamais trop tard pour redevenir l’élève qu’on aurait aimé être.”
Et si, au fond, la maturité n’était pas la fin de l’apprentissage, mais son véritable commencement ?